JEUDI 21 JANVIER 2010
Merci à Véronique (SOS hépatiques) pour notre échange téléphonique d'hier,qui m'a fait beaucoup de bien et qui m'aide à mieux comprendre que quand le conscient ne nous appartient plus,le corp réagit.
Un copié/collé du lien reçu sur le blog,je ferai un prochain article sur le "syndrôme Lazare" ainsi que sur le "syndrôme Damocles" dont Véronique m'a parlé.
A part ça j'ai repris mes AD sur les conseils de "tata psy" que j'ai consulté ce matin,chose que je vis un peu comme un échec,c'est vraiment pas simple la vie d'artiste ...
Que faire de la guérison ?
Je crois qu’il y a eu une erreur de casting.
On m’a demandé de parler de la guérison,
mais en fait je ne suis pas vraiment
guéri. Même si, sur le papier, je suis bien
« répondeur virologique prolongé ».
Dans un premier temps, ça m’a posé problème.
Au point que je me suis demandé s’il était
moral de vous parler de guérison puisque que
je ne me sentais pas vraiment guéri. Et puis j’ai
regardé le programme de la journée. Quand
j’ai vu tous ces gens qui venaient parler de
l’hépatite alors qu’ils ne sont même pas malades,
je me suis dit que ça compenserait…
D’autant que la guérison, je connais un peu
quand même. J’ai même guéri plusieurs fois.
Avant d’avoir ma guérison en CDI, j’étais
en effet un intermittent de la guérison. Ça
fait quand même plus chic que répondeurrechuteur…
Je compte néanmoins sur votre
indulgence, puisque je ne suis qu’un patient
sur la route de la guérison. Car guérir, ce n’est
pas passer brutalement d’un état à un autre.
C’est un cheminement, bien plus long et bien
plus solitaire qu’on ne l’imagine.
Un long chemin, parce qu’il ne faut pas quelques
semaines, comme le prétendent certains
médecins, mais bien des mois pour le parcourir.
Et nous connaissons tous des gens qui,
deux ou trois ans après l’arrêt d’un traitement
déclaré efficace, ont le sentiment de ne pas en
avoir fini avec l’hépatite.
D’ailleurs, est-ce qu’on peut se considérer
comme guéri alors qu’on n’a toujours pas
retrouvé le sommeil ? Est-ce qu’on peut se
considérer comme guéri lorsqu’on a la thyroïde
bousillée ? Est-ce qu’on peut se considérer
comme guéri quand on doit aller tous
les six mois vérifier si un petit nodule n’est pas
en train de couver ? Et même, est-ce qu’on
peut se considérer comme guéri, alors qu’on
a perdu son boulot, son conjoint ou tout simplement
sa soif de vivre ?
Bref, nous le savons tous – enfin j’espère - la
disparition du virus ne signe pas exactement
la guérison.
A ce propos, juste une parenthèse : il serait
intéressant que, un jour, quelqu’un ait le courage
de lancer une vaste enquête épidémiologique
sur le devenir des personnes guéries. Une
enquête qui ne s’intéresserait pas seulement à
l’hépatite, aux lésions du foie, ce que l’on fait
déjà. Pas seulement non plus aux éventuelles
séquelles psychologiques, ce qu’on commence
à prendre en considération. Mais une étude
qui tiendrait compte de tous les indicateurs
de santé. Comment vont les nerfs, la peau, les
dents, les yeux et les oreilles ? D’autres maladies
sont-elles apparues après le traitement ?
Ont-elles fait leur nid sur un organisme déstabilisé,
fragilisé ? Quelque chose me dit qu’on
découvrirait peut-être des choses étonnantes.
Fin de la parenthèse.
Revenons-en à notre guérison. Dans un groupe
de parole auquel j’ai longtemps participé,
un des membres avait développé une théorie
intéressante. Pour lui, le processus de guérison
consistait à ranger les problèmes relatifs à
l’hépatite dans des boîtes. Au début, il avait
conservé la boîte à portée de main. Et puis, le
temps passant, il l’avait rangée sur une étagère
en hauteur, parce qu’on la sortait de plus en
plus rarement. Et ainsi de suite, de plus en plus
haut, jusqu’au jour où la boîte irait au grenier
rejoindre d’autres boîtes.
Pour lui, c’était ça la guérison. L’hépatite n’avait
pas disparu, elle avait été rangée. Eh bien,
franchement, je trouve que ce critère non
virologique en vaut bien d’autres. D’ailleurs,
j’ai chez moi une boîte d’archives, marquée
« dossier médical ». Dedans, il y a vingt ans de
prises de sang, de comptes-rendus de biopsie
et autres joyeusetés hépatantes. Eh bien, pour
le moment, cette boîte est rangée sur une
étagère, entre la boîte des factures et celle
des bulletins de salaire. C’est bien la preuve,
comme je vous le disais, que je ne suis pas
vraiment guéri.
La guérison est un long chemin, donc. Un
chemin solitaire aussi. Même si vous avez
eu la chance d’être accompagné par votre
entourage tout au long de la maladie, avant
et pendant le traitement - et c’est mon cas
-, vous pouvez vous retrouver bizarrement
seul après.
Seul et frustré. Vous espériez aller mieux, et
vous vous traînez lamentablement. Moi qui ai
guéri plusieurs fois, je peux vous assurer que
c’est bien la dernière fois, c’est-à-dire la fois
où le traitement a vraiment marché, que j’ai
eu le plus grand mal à remonter la pente. Au
cours des rechutes précédentes, j’avais plus
facilement retrouvé mon équilibre antérieur.
Comme si l’organisme habitué à cohabiter
avec le virus s’était trouvé déstabilisé par sa
disparition.
Seul, on l’est aussi avec l’angoisse de la rechute,
alimentée par les petits accidents de la vie
quotidienne. Il y a les frissons qui viennent
comme des retours d’interféron. Il y a la fatigue
qui vous retombe dessus sans crier gare,
au moment où venez de vous dire que vous
êtes plutôt en forme, ces jours-ci. Il y a toutes
ces manifestations de l’hépatite fantôme, un
peu comme on peut ressentir des douleurs
fantômes à un membre amputé.
Seul encore face à votre entourage, qui vous
a supporté pendant si longtemps et qui aimerait
bien que ça se termine, cette histoire.
Parfois, on vous tient un discours rassurant de
supermarché. Des trucs censés vous booster le
moral et qui, au fond, vous renvoient à votre
solitude. Je sais de quoi je parle, ce discours, je
l’ai moi-même tenu pendant des années dans
les groupes de parole que j’animais :
« C'est normal »
« J’ai ça qui va pas,
et ça qui ne marche pas guère non plus, et ça me
gratouille en dedans » , etc.
Le médecin, lui, il vous
sort sa moue dubitative.
C’est extrêmement fréquent, comme symptôme.
Dans ma file active de médecins, je dirais
que je l’ai rencontré chez pratiquement 100 %
des sujets.
Ce symptôme, que j’ai bien étudié pendant
toutes ces années, traduit tout simplement le
désarroi du médecin. Un toubib, quand il ne
sait pas, il est paumé. Alors, il vous sort sa moue
dubitative. C’est une sorte de défense, une réaction
immunitaire.
Je ne connais qu’un seul remède : le temps. Je
ne voudrais pas trop jouer l’ancien combattant,
mais il y a vingt ans, quand je disais aux médecins
que mon hépatite « non A non B » me fatiguait,
ils avaient déjà cette fameuse moue dubitative.
Aujourd’hui, ils sont nombreux à ne plus l’avoir
quand on leur dit que l’hépatite chronique, c’est
fatigant. C’est que, entre-temps, on a publié
des études… Je vous prédis que, dans quelques
années, il en sera de même quand vous évoquerez
votre syndrome post traitement. Des études
auront été publiées dans Gastroentérologie clinique
et biologique, elles auront scientifiquement
démontré la réalité dudit syndrome, alors
ils iront mieux.
Maintenant que nous avons soigné le médecin,
revenons au malade que nous avons laissé
sur le long chemin de sa guérison solitaire. Il
a d’abord dû se remettre du traitement ; c’est
Psychologie
une première guérison. Il lui faut maintenant
se défaire de son statut de malade chronique.
Pas facile, quand on y réfléchit : une maladie
chronique, c’est a priori une maladie qui ne
s’arrête pas.
C’est à ce moment-là, en général, qu’on nous
sort le coup de l’acceptation de la guérison.
Pour se remettre vraiment, il faut accepter de
guérir. Sur le principe, j’adhère à l’idée. Mais
attention : se focaliser sur l’acceptation de
la guérison, c’est aussi prendre le risque de
penser que, après le traitement, il n’y aurait
plus qu’un travail mental à accomplir. Sousentendu,
les troubles résiduels dont tu te
plains, c’est dans ta tête… Faites attention : si
vous commencez à penser cela, la moue dubitative
vous guette !
Pour autant, il faut bel et bien apprendre à
guérir, tout comme on a dû apprendre à être
malade chronique. C’est là que vous réalisez à
quel point l’hépatite s’est nichée dans tous les
recoins de votre vie. La vôtre, et celle de votre
entourage. Un exemple personnel, tout bête.
Pendant toutes ces années où j’ai côtoyé l’hépatite,
je n’étais pas simplement fatigué. J’étais
la fatigue personnifiée. Alors, je sortais très peu.
Exceptionnellement le week-end, et jamais la
semaine.
Cela vous paraîtra bête, mais c’est seulement il
y a quelques semaines que j’ai découvert qu’il
est humainement possible d’aller au spectacle
le mardi soir et d’être quand même au boulot
le mercredi matin. Cela ne me manquait pas,
puisque je n’envisageais même pas que cela soit
possible. Mais je ne vis pas seul. Et c’est aussi il
y a quelques semaines seulement que j’ai réalisé
que, pendant toutes ces années, j’avais imposé
à ma compagne le rythme de mon hépatite à
moi. Et que, elle aussi, a fini par prendre l’habitude
de ne jamais sortir en semaine.
Tout ça, pour dire quoi ? Que lorsque l’hépatite
se retire, on découvre la fibrose sociale et
affective qu’elle a provoquée. Et parfois, elle
est très étendue. J’en ai fait, personnellement,
une expérience très douloureuse. La semaine
même où je suis revenu de l’hôpital avec mon
diplôme de répondeur prolongé, ma fille de
17 ans a fait une méchante décompensation
psychique. Permettez-moi de ne pas croire au
hasard. Voilà une enfant qui était en souffrance
depuis des années, qui n’en disait rien, peutêtre
parce qu’elle voulait préserver son papa
malade, et qui a brutalement tout lâché quand
elle a su qu’il était guéri. Voilà, en quelque sorte,
un dommage collatéral de l’hépatite ; il m’a fait
réfléchir, et je vous invite à réfléchir à votre tour
aux dommages collatéraux que votre hépatite
peut causer autour de vous. En attendant, paradoxalement,
cet accident m’a aidé à avancer
dans ma propre guérison.
Voilà les deux ou trois choses que je voulais vous
dire. Alors, puisque la question m’a été posée
sous cette forme, que faire de la guérison ?
Je dirais, d’abord, accepter qu’il faille du temps
pour se reconstruire. Ensuite, admettre que,
après la pluie de l’hépatite, le beau temps de
la vie sans hépatite n’est pas forcément aussi
radieux qu’on l’avait espéré. D’une part, le statut
de malade chronique est parfois une protection
confortable, et cette protection disparaît.
D’autre part, même sans hépatite chronique,
la vie est un combat fatigant. C’est vrai que
c’est un peu décevant de le découvrir. De le
redécouvrir.
Enfin, il faut réapprendre à se projeter dans
l’avenir. Je crois que c’est une des choses les plus
difficiles. Pendant des années, vous avez limité
l’horizon de vos projets. Et puis, là, tout à coup,
ça se débouche. Et vous vous trouvez tout bête,
sans savoir quoi faire. Comme un oiseau dont
on aurait ouvert la cage. Comme un prisonnier
libéré qu’on relâche dans la rue.
C’est une drôle de sensation, croyez-moi. A
vous tous, mes amis hépatants, je souhaite de
la ressentir un jour.
Thomas Laurenceau
No comment ... juste allez boire un verre d'eau si vous l'avez lu à haute voix !
Je vous bise très fort
Laet